L’agonie de la gauche et le revenu universel : Marx, réveille-toi, ils sont devenus fous !
by Claude Berger on janvier 31, 2017
L’erreur de casting présidentiel n’est pas la seule cause de la faillite de la gauche en campagne électorale. Qu’elle défende la chimère du revenu universel ou la fiche de paye, elle doit cette agonie à la faillite de son idéologie et disons le mot de sa théologie.
Depuis plus d’un siècle, depuis la chute de la Commune, les gauches ont réduit le rapport du capital au travail à l’exploitation en ignorant qu’il repose avant tout sur le salariat, c’est-à-dire sur la transformation du travail en marchandise concurrentielle sur son marché. L’appât du salaire y joue le rôle de motif du travail. C’est une invention qui succède à la corporation.
Tout commence au XIVe siècle lorsque les marchands s’approprient le travail pour fabriquer par eux-mêmes (premier marché du travail à Auxerre en 1393 selon Braudel). Il a fallu quatre siècles, jusqu’aux décrets d’Allarde de mars 1791 suivis de la loi Le Chapelier de juin 1791 (contemporains des droits de l’homme) pour que soient interdites les corporations affiliées à un ordre religieux et respectueuses de l’ordre féodal et pour que soit libéré le marché du travail.
L’analyse critique du salariat inaugurée par Turgot puis poursuivie par Marx a été refoulée par la social-démocratie parlementariste ou violente. De Marx, elle n’a lu qu’une ligne sur deux et, dans la foulée, elle a jeté le projet de l’abolition du salariat. Cette omerta règne toujours. Elle a commencé du vivant même de Marx, à tel point qu’il s’insurgeait :
« Le capital et le salariat sont liés l’un à l’autre et disparaîtront ensemble. Il est donc absurde de parler de capitalisme sans salariat. »
La pensée « absurde » de gauche, qui perdure aujourd’hui de ses deux façons, archaïque et libérale, a également censuré la pérennisation de la concurrence salariale par la division du travail sur les lieux de production et par la citoyenneté désolidarisée sous le chapeau de l’Etat qui prend la place des religions pour prétendre incarner le lien social.
L’appât du salaire individuel engendre à la fois l’idéologie du chacun pour soi et la soumission au pouvoir d’Etat : le contraire d’une association dans l’existence et la production et dans l’exercice du pouvoir.
L’apparition du salariat en occident impliquait la libre circulation des femmes sur le marché du travail. Ce fut intolérable pour l’Eglise inquisitoriale. C’est aujourd’hui intolérable pour l’islam qui y risque la perte de son hégémonie sur la société et qui réagit par la violence. Les pertes identitaires se conjuguent alors avec le cycle infernal propre à la société de salariat, un cycle toutefois productif et source de développement.
L’omerta « absurde » empêche d’en saisir le fonctionnement : les travailleurs revendiquent contre leur exploitation, le capital réagit par l’importation de mains d’œuvre moins onéreuses – sans tenir compte de leurs cultures fussent-elles mortifères -, réagit ensuite par l’exportation de ses fabriques, par la robotisation, par l’innovation permanente sur un marché des produits lui aussi concurrentiel, par la marchandisation de toutes les activités humaines, par l’appel à la science dans un but de productivité, par l’incitation au consumérisme, par l’obsession de la croissance, par l’exportation du salariat dans le monde entier.
Ce n’est pas la fin du travail annoncée par Rivkin et Benoît Hamon ni la fin du salariat annoncée par NKM au gré de l’augmentation du nombre des auto-entrepreneurs, non, il n’y eut jamais autant de travail salarié sur terre ! C’est la mondialisation du salariat et du chômage, c’est la mondialisation des déperditions culturelles et des recours à la violence, c’est l’acheminement vers une crise du salariat provoquée par le surnombre des postulants issus des flux migratoires, crise similaire à celles que connurent l’esclavagisme puis le servage. Et c’est la revendication qui sert de mise à feu de ce « cycle infernal » ! La gauche est ainsi le meilleur agent de l’expansion du capitalisme qu’elle croit combattre !
Ce qu’on a appelé « communisme » ne fut qu’un capitalisme d’Etat donc un salariat d’Etat dictatorial pire que le salariat privé. L’effondrement du capitalisme d’Etat laisse aujourd’hui les gauches « absurdes » sans autre projet que la nostalgie de la chorale Mélenchon-Hamon ou le libéralisme de Valls ou Macron, assorti du vœu pieux (« de gauche » !) d’une distribution qui serait équitable, alors même que le marché du travail réclame une main d’œuvre « compétitive ».
L’invention de nouvelles structures sociales dans lesquelles le sens communautaire et l’entraide se substituent au chacun pour soi du salariat et à la concurrence du travail est possible. Les kibboutz classiques, il en reste une soixantaine, en ont fait la preuve. Mais la nouvelle formule des kibboutz en ville qui se développent en Israël, amorce un véritable mouvement. Leur but : être au service des individus et transformer les mentalités dans le sens du partage et de l’entraide sans bâtir un phalanstère.
Alors s’imposera la critique des faux prophètes de l’économie politique qui érigent une tendance de l’évolution du marché du travail en dogmes et croient apercevoir la fin du travail à chaque coin de rue pour proposer le super assistanat du revenu universel. La construction progressive d’une société associative est plus que jamais nécessaire et possible et avec elle, le changement des mentalités. Mais il faudra aussi changer de monnaie, car comme l’écrivait le Marx censuré :
« Le travail dans sa forme immédiate, mesurable et quantifiable, devra cesser par conséquent d’être la mesure de la richesse créée ».
One comment
on ne comprend pas où est même le problème puisque l’article indique à la fois la cause et le remède : la social-démocratie n’a lu de Marx qu’une ligne sur deux -et encore c’est sans doute être trop généreux avec elle. Aussi et plutôt que de régler des comptes avec ces mous-du-genou le plus simple est de rappeler celle des deux lignes que la social-démocratie n’a pas lues -ou… fait semblant de ne pas avoir lues.
by luc n. on 6 février 2017 at 13 h 30 min. #